La trottinette

TEXTE N°1

Quelle heure est-il ? Où suis-je ?
Que fais-je ici au bord de l’autoroute A1 ? Je n’ai pas de voiture, il drache. Je vais être mouillé, frec" comme on dit chez les ch’ti.
J’ai uniquement un véhicule électrique à deux roues. Cela s’appelle une trottinette.
Mais revenons en arrière. Remontons dans le temps.
J’étais en ville en train d’effectuer des achats dans une grande surface. J’avais envie de me faire plaisir par l’achat d’un moyen de locomotion moderne. Je me suis dirigé vers le rayon des engins électriques.
J’appelais une vendeuse pour avoir quelques conseils. Quel engin ? Quelle puissance ? Quelle autonomie ?
Mais le plus important, c’est le prix de vente.
Gentiment cette charmante vendeuse me proposait de faire quelques essais. Me voilà donc, chevauchant cette machine sur une piste à l’extérieur.
Après différents essais, il me fallait prendre une décision. Quelle machine choisir, en tenant compte des différents critères : autonomie, rechargement et surtout la valeur. Voyant mes hésitations, la "charmante vendeuse" croyant que je voulais l’arnaquer a fait appel au service de sécurité. Une équipe de "malabars" à la mine patibulaire se dirigeait dans ma direction. N’écoutant que mon courage, comme le disait Louis Capet, un jour de l’été , le 21 juin 1791 : "Courage fuyons", je cavalais en direction de la sortie .
Mais elle était Ioin, hors de portée, je ne voyais qu’une seule solution.
Je bondis sur un engin qu’on appelle "trottinette", que j’enfourchais pour m’éloigner à toute vitesse. Ne connaissant pas la région, je suis parti à l’aventure. Il était tard, il faisait nuit noire. Je m'égarais pour échapper aux poursuivants. Je devenais un repris de justice, pour le vol, involontaire, d’une trottinette.
Tout cela par la peur de l’intervention de personnes qui ne faisaient que Ieur travail. Étant à distance de sécurité, je stoppais et, fatigué, je m’endormais au bord d’une route.
Après avoir enfourché une trottinette, je me retrouvais à l’entrée de la bretelle de l’autoroute A1. Et c'est ainsi que finit l’histoire.

TEXTE N°2
Il avait toujours rêvé d'aventure. Depuis son enfance, il avait nourri son imagination avec les récits de Bob Morane, les films d'Indiana Jones, les BD de Spirou...
Malheureusement, il avait un horrible mal des transports et cela avait coupé court à toute velléité de voyage. Il aurait pourtant donné beaucoup pour aller voir Paris, mais à 92 ans, il ne lui restait plus guère d'espoir.
Une lueur apparue au bout du tunnel, le week-end où son petit-fils vint lui rendre visite et lui présenta son nouveau jouet électrique. Il attendit le petit matin du dimanche, vérifia que le gamin était bien endormi, pui sil enfourcha sa trottinette et s'en alla sur la bretelle d'autoroute.

TEXTE N°3
Iva Patrovit aurait dû se prénommer Ivan et non Iva. L’employé de l’état civil prétendait que c’était une erreur de déclaration à la naissance ; le père d’Iva pensait que cet employé était un enfoiré, amateur de jeux de mots à deux balles. Il faut dire que le père d’Iva, inspecteur des permis de conduire, l’avait recalé quatre fois à l’épreuve de conduite parce qu’il roulait trop vite, comme tous les candidats d’ailleurs.

Le petit Iva Patrovit avait grandi dans la commune d’Angoisse, entre ce père inspecteur des permis, son oncle moniteur d’auto-école et un grand frère gendarme ; tous trois lui avaient inculqué de solides principes de prudence et de sécurité routière. Son goût pour les sports mécaniques lui venait de sa mère, pilote de caisse à savon et vice-championne de la course en solex du canton. A son contact il avait développé une passion pour les grosses cylindrées et pour tout ce qui pétarade.

Quand il était enfant, une chute de trottinette l’avait durablement marqué. Il s’en était tiré avec une lèvre fendue et une phobie des accidents. Quand il fût en âge de se déplacer seul à bicyclette, il respecta scrupuleusement les consignes de sécurité de son père. Mieux valait, disait-il, céder sa priorité que de mourir dans son droit. A bicyclette, Iva cédait donc sa priorité aux véhicules arrêtés à un stop ou à un feu rouge.

À l’adolescence, poussé par sa mère, il tenta le brevet de pilote de caisses à savon, animé du désir secret de devenir pilote de formule 1. Il y laissa deux dents de devant et son père l’obligea à abandonner ce sport extrême. De toute façon, ses oreilles à la Gainsbourg posaient un problème d’aérodynamisme qui perturbait la trajectoire du véhicule, d’où ses tonneaux à répétition dans les virages. Après cet accident, la fédération française de caisses à savon le promût conseiller spécial chargé de la sécurité et depuis ce jour là, Iva ne cessa d’œuvrer bénévolement pour promouvoir la sécurité routière.

Pour lui porter chance contre les accidents, Iva s’était fait tatouer un fer à cheval sur un bras et un trèfle à quatre feuilles sur l’autre. Ces tatouages lui donnaient en plus une bonne entrée pour engager la conversation avec les bikers, discuter de sa passion pour les Harley- Davidson, avant de leur placer quelques bons conseils de sécurité. Il aimait bien terminer ces discussions par une pensée philosophique profonde du style : « seul celui qui a emprunté la route connaît la profondeur des trous ».

À l’heure de la retraite, Iva était retourné vivre à Angoisse. Mais, depuis la construction de l’autoroute la circulation ne traversait plus le village. Les commerces avaient fermé, y compris le bar tabac journaux qui faisait aussi agence postale, épicerie, coiffeur et rebouteux. Il ne restait plus aujourd’hui que la pizzeria « chez Pépone ». La station service de l’autoroute, située à vingt kilomètres était devenue le lieu de vie le plus proche d’Angoisse. Iva s’y rendait souvent pour s’occuper, boire quelques verres et surtout pour remplir sa mission de sécurité routière. La vitesse excessive, l’éclairage mal réglé et l’alcool au volant étaient ses thèmes d’action préférés.

En ce début de vacances de février la journée était classée rouge par bison futé. Iva avait donc passé tout son samedi sur la station d’autoroute pour promouvoir la sécurité. Sale temps ce jour là. La nuit venait de tomber et la neige commençait à recouvrir la chaussée. Iva termina sa bière et se roula un dernier pétard. Après cette dure journée il était temps de rentrer.

Son portable sonna ; c’était le pizzaïolo de chez Pépone, à Angoisse: « Iva, où t’es, t’as vu l’heure ; trois gros clients attendent leur livraison d’urgence ! ».

Oups « Heu... patron, pas de soucis, je mets le turbo, j’suis là dans deux minutes ».

Il alluma sa lampe frontale, enfourcha sa trottinette et s’engagea sur la bretelle d’accès à l’autoroute.

TEXTE N°4
Il faisait beau, le ciel était d’un bleu éclatant, le soleil de printemps était chaud et doux ; cela lui donna l'irrésistible envie de sortir prendre l'air, de faire un tour dans la campagne environnante. Il partit d’un bon pas et gravit la colline en rêvassant... Quand il atteignit le pré en jachère, il fut frappé par la grande quantité de fleurs se balançant sous la brise : des marguerites, des boutons d’or, des graminées et tant d’autres dont il ignorait le nom. Comme les années précédentes, les orchidées pourpres étaient assez nombreuses et le laissaient béat d’admiration : quelle finesse, quelle élégance ! Il aurait dû prendre son appareil photo pour immortaliser ce joli spectacle. 

Soudain, en les regardant, il se rappela l’anecdote que son voisin Edgar lui avait racontée : il avait vu une orchidée blanche ; cela l’avait surpris car les orchidées blanches sont rares, c'est une sorte de miracle de la nature ! Edgar est une personne très imaginative ... il est capable d'avoir inventé cette histoire pour faire l'intéressant auprès de son voisin ! Pourtant il lui avait donné des précisions sur la plante, précisions qu’il ne pouvait pas connaître car il est assez ignorant en matière de botanique. C'était quand même troublant... d’autant plus qu’il l’avait vue dans un endroit inattendu : le talus près de l'autoroute ! Alors qu’Edgar roulait sur l’autoroute pour rendre visite à sa mère, il avait été obligé de s'arrêter en urgence car son fils était malade à l'arrière de la voiture. Il était sorti sur le bas-côté et n’avait fait qu’un ou deux pas pour l’apercevoir : une orchidée blanche, dans cet endroit improbable… Son voisin pensa : « Si c’est vrai, c’est une belle trouvaille ! » Mais, il fallait vérifier, en avoir le cœur net. Les élucubrations d’Edgar sont connues dans le voisinage ! Il décida donc d'aller vérifier lui-même sur place. En redescendant vers la maison, il commença à imaginer que l'orchidée blanche l'attendait là-bas... il la prendrait en photo et pourrait en faire un beau tirage pour épater ses copains photographes amateurs. Arrivé chez lui, il monta l’escalier quatre à quatre pour prendre son matériel, le fourra dans son sac à dos et il enfourcha sa trottinette et s'en alla sur la bretelle d'autoroute.